Tout pousse en ce jardin, dites le à vos voisins et même à vos élus. Dans les jardins de la Buisserate, les griottes, les figues et les framboises offrent un concentré de nature, un peu comme dans un conservatoire métropolitain. Et un conservatoire il faut le conserver, le protéger.
De qui son avenir dépend-il ? De nous. Et de qui notre avenir dépend-il ? De lui.
L'objectif est donc clair : dès aujourd'hui sanctuariser chaque mètre carré de terre arable.
Depuis la séquence des Gilets Jaunes on sait mieux ce qui accélère l’émiettement social, et la colère sur les ronds points : la disparition des services publics dans les villages, les bourgs et les quartiers populaires des villes, l’extension des grandes surfaces en périphérie urbaine, sur fond bien sûr de déstructuration de la société par le moteur du néolibéralisme. Nous laisserons à d’autres la mise au point de l’antidote radical à cette maladie de civilisation, mais, dans le segment d’expérience qui est de longue date le nôtre nous pouvons proposer quelques pistes :
Dans ce désert global de compétition et de consommation, quelle situation, quelles activités sont à même de créer du lien et parfois de faire société ? Chacun ou presque a ses recettes : faire la cuisine, justement, faire de la musique ensemble, aller ensemble dans la nature, être en famille, quand celle-ci est présente, ayant résisté aux aléas et à la dureté des temps. Il en est une, d’activité, que nous voyons au fil des années résister et repartir vers une nouvelle jeunesse : il s’agit de la pratique du jardinage, sous la forme des jardins partagés. Ils furent les jardins ouvriers, puis les jardins familiaux. Ils ont trouvé leur place le long des voies de chemin de fer, à côté des terrains de sport, ils ont grignoté des terrains vagues au pied des immeubles, et prospéré là où rien de comestible ne semblait devoir pousser que du chiendent, à perpétuité.
Et voilà même que ces jardins où fleurs et légumes coexistent à qui mieux mieux, prennent une dimension nouvelle. Certains avaient connu, aux Etats Unis, pendant la dernière guerre, les « Victory gardens » qui ont joué un rôle économique et psychologique important, de même que les jardins des banlieues anglaises pendant la même période. Ce que les gens récoltaient c’était des fruits, des légumes, de l’enthousiasme et un sentiment d’utilité et de solidarité. Et quand on observe les actuels pratiquants de ce jardinage de proximité on peut constater leur entrain, leur attachement à ces travaux réputés « ennuyeux et faciles » jour après jour, et leurs bonnes relations avec leur voisin de sillon. La graine, peut-être, de ce qu’il faudra développer dans la situation de crise à venir : le contraire du scénario de la lutte de tous contre tous qu’agitent certains professionnels faisant des malheurs à venir leur fond de commerce.
Que ceci aujourd’hui nous interpelle : les conditions difficiles font émerger l’entraide. C’est vrai pour tous les êtres vivants : humains, animaux, plantes, …La compétition en somme prime dans un contexte favorable pour les premiers de cordée, la solidarité prime dans tous les autres contextes. Or nous allons vers ce que certains appellent une crise systémique et d’autres un effondrement de notre société thermoindustrielle. On peut espérer que certains d’entre nous feront mieux que survivre à cette épreuve majeure et pourront reconstruire une société humaine, en lien avec les autres vivants. Il faudra pour cela d’abord subvenir aux besoins de base - eau, nourriture – mais rien ne sera possible sans la mise en œuvre de l’entraide.
Celle-ci ne peut venir d’une consigne venue d’en haut du genre : « Aidez votre voisin, il vous aidera. » Cela ne peut résulter que d’un mouvement endogène ; le développement de la graine des solidarités déjà existantes entre voisins, dans un quartier, dans une ville (pas trop grande). Aucun élu, aucun administrateur, ne peut instaurer cela. Il peut tout juste (et ce n’est pas rien) contribuer à créer les conditions pouvant faciliter l’émergence de ces pratiques d’entraide.
La pratique des jardins partagés fait partie de ces graines de possible.
Cette dimension sociétale des jardins partagés est essentielle ; mais elle n’empêche pas d’explorer ce que peuvent être leur résultat concret en termes de production alimentaire.
L’autonomie alimentaire d’une ville comme Grenoble est de trois jours, c’est-à-dire à la mesure des stocks des surfaces commerciales (souvent périphériques de surcroît). Quant aux ressources agricoles issues du local c’est actuellement 1.7 % de la consommation globale, soit deux tonnes par an. Presque tout est dit. Presque, car une politique volontariste au plan de la ville peut développer de nouveaux espaces de culture. Actuellement c’est 2.4 hectares. La ville de Grenoble envisage un développement volontariste de cultures sur toits-terrasses, sur parcs et jardins publics, et une incitation à la multiplication des jardins partagés.
Au niveau de la Métropole c’est d’abord la décision politique de préserver toutes les terres agricoles disponibles (Projet d’Aménagement et de Développements Durables) et d’augmenter d’environ 90 hectares les surfaces classées en zone agricole.
On sort là du domaine du symbolique. Et plus encore si on déplace le curseur au niveau du territoire de la Métropole : 225 exploitants cultivent 8000 hectares (dont 12.5% en agriculture biologique). La filière de l’approvisionnement de la restauration collective peut devenir un levier essentiel du développement de l’autonomie et de la sécurité alimentaire de la région urbaine grenobloise.
Certes la route est encore longue, et la concrétisation des volontés politiques souvent sujette à fluctuations.
Nous avons présentement l’occasion, sur le territoire de la Métropole, de rendre visible et crédible cette nécessaire orientation. Il ne s’agit certes que de 5000 m2, sis à la Buisserate, sur la commune de Saint Martin le Vinoux, mais 5000 m2 activement cultivés et actuellement défendus par leurs cultivateurs amateurs (c’est-à-dire qui aiment la terre qu’ils cultivent). Il nous parait indispensable de conserver cet espace à usage agricole sous sa forme actuelle de jardins partagés. De surcroît Laisser bétonner ces terrains fertiles ce serait envoyer un signal contradictoire avec l’orientation prise par la Métropole dans ce domaine ainsi que d’autres documents administratifs (PLU, PLUI, SCOT, Banque des Territoires, PCAET...).
Lien Avenir des Terres 38 : https://avenirdesterres38.home.blog/evenements/
Les Amis de la terre de l’Isère, 27/01/2020.
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